De la conception à l'âge de 2 ans : 1000 jours pour faire le passeport santé de votre enfant

Les maladies chroniques de l'âge adulte pourraient trouver leur origine dans les mille premiers jours qui ont suivi notre conception. A ces moments où la vie débute, tout ce que les parents mangent, boivent, respirent, vivent… laisse des marques qui influencent la santé future des enfants, voire des

Obésité, diabète, hypertension, affections cardiovasculaires, cancers, problèmes broncho-pulmonaires chroniques, infertilité, troubles neuropsychiatriques, dépression, vulnérabilité, sénescence cellulaire... Toutes ces maladies sont influencées par ce qui se passe très tôt dans la vie, affirme le Pr Umberto Simeoni, médecin pédiatre et président de la « Société francophone Origines développementales de la santé » (SF-DOHaD). Influencées par tout l'environnement qui préside à la conception, à la gestation, à la naissance, et aux deux premières années de la vie. L'alimentation des parents, leur activité physique, leur mode de vie, les problèmes qu'ils rencontrent, leurs relations psycho-affectives, leur niveau socio-économique… conditionnent en partie la santé de leurs futurs enfants.

L’environnement précoce crée des empreintes

Car les 1000 premiers jours de la vie sont une période initiale de grande sensibilité, où l'individu qui vient au monde reçoit toute une série de stimuli. L'alimentation maternelle et infantile a une grande importance, du fait qu’elle contribue à la mise en place des régulations physiologiques et biologiques. Les stress de toute nature, les toxiques de l'environnement interviennent aussi. De même que les retards de croissance intra-utérine, les actes de procréation médicalement assistée, voire les césariennes... Tous ces stimuli créent des empreintes auxquelles s'ajoutera plus tard l'influence du mode de vie. Mais à partir de ces empreintes, on devient déjà susceptible de contracter des maladies futures ou au contraire d'y résister !

La DOHaD ou les 1000 premiers jours

Cette période précoce est celle des origines développementales de la santé et des maladies. « Developmental origins of health and diseases » (ou « DOHaD »). On va entendre parler de cette DOHaD ! La notion est apparue au Royaume-Uni, il y a déjà plus d'une trentaine d'années. Un chercheur, David Barker, a montré que le poids de naissance a un effet sur le taux de mortalité par maladie coronarienne à l'âge adulte. Et que cet effet est même plus important que celui des autres facteurs de risque rencontrés au cours de la vie ! Au fil des études, on a appris aussi qu'un poids de naissance faible, mais aussi trop élevé, augmente notamment le risque de diabète. Qu'un diabète apparu chez la mère au cours de la grossesse - le diabète gestationnel -, s'il n'est pas correctement traité, expose le futur adulte au risque de diabète. Que le diabète gestationnel perturbe le développement du langage chez l'enfant, mais que le niveau d'éducation de la mère l'améliore...

L'importance des 1000 jours a commencé à transparaître dès 1966, grâce à une expérimentation animale. Des chercheurs ont mis en état de sous-nutrition deux groupes de rats, d’âges différents, pendant 3 semaines. Chez ceux qui avaient entre 9 et 12 semaines, la croissance a été stoppée, mais elle a repris par la suite et ils ont pu récupérer. Par contre, chez ceux qui avaient entre 3 et 6 semaines, la croissance a été cassée sans que ce soit rattrapable. Or, cet âge de 3 à 6 semaines chez le rat correspond aux mille premiers jours chez l'être humain…

L’épigénétique, un conditionnement malléable

Présentée par le Pr Claudine Junien, généticienne et ex-présidente de la SF-DOHaD, une deuxième grande découverte explique, en parallèle, le conditionnement précoce de notre santé par les stimuli environnementaux reçus pendant les 1000 premiers jours. C’est celle de l’épigénétique et de son interaction avec l’environnement.

Certes, nous avons tous un bagage génétique, un ensemble de gènes ou génome, et ce sont les mêmes gènes qui sont présents dans nos cellules. Mais tous ne s’expriment pas nécessairement. C’est l’épigénome qui module l’expression de nos gènes. Et il se trouve qu’il est très sensible aux effets de l’environnement. Il en garde la mémoire, pour le meilleur et pour le pire. Les marques épigénétiques liées à l’environnement construisent ainsi très tôt notre capital santé, et permettront l’expression de tel ou tel de nos gènes. Rassurons-nous tout de même : ces empreintes épigénétiques ne sont pas définitives, elles sont modifiables et réversibles, bien avant qu’apparaissent des symptômes de maladie. L’épigénétique n’est pas un destin, mais un conditionnement, qui peut être modifié par la suite par le style de vie.

Car dans le capital santé, estime Mark Hanson, président de la DOHaD internationale, « la part de la génétique est surestimée ». Notre héritage génétique ne pèserait pas plus de 30%. Plus importantes seraient les interactions entre l’environnement et les gènes. Et le poids de la période précoce des 1000 jours serait quant à lui à peu près équivalent à celui de tous les autres facteurs de risque traditionnels rencontrés au cours de la vie adulte.

Les parents, piliers de l’équilibre

En pratique, le Pr Junien conseille de ne pas culpabiliser pour les 1000 premiers jours. Et, au fond, de ne rien changer à l’objectif qui doit être celui de la vie entière : alimentation saine et équilibrée et stress minimum. La vie zen, saine, simple et tranquille, ou les meilleures chances de faire de bébé un adulte en bonne santé !

Avec quelques particularités tout de même pour les 1000 jours, précise Claudine Junien. Certaines nuances alimentaires ont leur importance. Pour mémoire : les protéines ou les acides gras saturés par exemple, n’ont pas les mêmes effets que chez les adultes. Ainsi, on ne va pas donner du lait écrémé ou demi-écrémé aux petits enfants, au moment où ils ont besoin de lipides pour leur cerveau. Une expérimentation animale montre aussi que si l'on sépare la rate de son petit, un régime gras les protège tous deux de l'anxiété. L'hyper-gras alimentaire des mille jours est d'autant moins à bannir qu'il est bon pour le développement cérébral de l'enfant, insiste le Pr Claudine Junien.

Enfin, l’alimentation paternelle intervient aussi. Dans le devenir de l’enfant, l’obésité du père joue un rôle aussi important que celle de la mère. Si le père est fumeur, en fonction de l’âge de début du tabac, il peut y avoir plus tard des répercussions plus ou moins importantes sur la corpulence de l’enfant… En somme, pour leur santé comme pour celle de leurs enfants, les deux parents sont responsables, mais pas coupables !

Pour aller plus loin :
(Conférence des Professeurs Claudine Junien et Umberto Simeoni au Fonds français pour l’alimentation et la santé. Paris, 8 mars 2016.)


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