Jus végétaux et laits « à la mode »… quels risques pour la santé du bébé ?

Pour des raisons idéologiques, réactionnelles ou médicales, certains parents peuvent être amenés à arrêter le lait infantile pour leur bébé, et le remplacer par des jus végétaux (soja, amandes, châtaignes…) ou des laits d’animaux autres que le lait de vache (brebis, ânesse…). Ces pratiques, de plus

Quels sont les risques de cette alimentation ?

Les trois premières années de la vie sont décisives du fait de l’accroissement staturo-pondéral et du développement cognitif et sensoriel du bébé. Pour assurer ce développement, l’organisme du bébé a des besoins très spécifiques. Les jus végétaux présentent des déficits importants qui sont impossibles à corriger, même en augmentant les apports, tels que :

un apport calorique très insuffisant estimé à 50-65 kcal/kg/jour pour des besoins de 100 kcal/kg/jour,
une pauvreté en protéines (jus de riz et de noisette) ou excès pour le jus de soja,
un déficit total en calcium (jus de soja, noisette, riz), élément nutritionnel indispensable au développement du nourrisson,
un excès de sodium.

A noter que le lait de chèvre est dépourvu de vitamine B12.

Compte-tenu de l’apport calorique inférieur de 40% aux apports nutritionnels conseillés, la consommation de jus végétaux entraîne souvent un ralentissement ou une stagnation de la courbe de croissance. Ces enfants peuvent aussi présenter des désordres métaboliques, en particulier une hypocalcémie, et des anomalies osseuses similaires à celles observées en cas de rachitisme. L’interruption du développement cérébral se traduit par une hypotonie avec retard d’acquisition des positions assises et debout. Les conséquences nutritionnelles de l’utilisation de ces jus végétaux peuvent être :

• dénutrition protéino-énergétique,
• anémie (carences en fer, folates, vitamines B12°,
• hypovitaminose D, hypocalcémie,
• acidose,
• hypokaliémie, hyponatrémie,
• décès.

De plus, après un an, les enfants devraient boire 500 mL par jour de lait de croissance afin de bénéficier d’un apport suffisant en calcium. La consommation de jus végétaux comble en partie la sensation de soif ou de faim de l’enfant, qui risque alors de réduire la quantité de lait de croissance et/ou autres produits laitiers, destinée à combler ses besoins en calcium notamment. Concernant les laits d’animaux autres que le lait de vache, ils ne répondent pas aux besoins des nourrissons et enfants en bas âge : ils contiennent trop de protéines pour les laits de jument ou d’ânesse, et le lait de brebis est à la fois trop gras et trop riche en protéines.

Qu’en est-il du risque allergique ?

Le risque allergique ou l’allergie peuvent être l’une des raisons incitant vos patientes à alimenter leurs nourrissons avec ces boissons. Il est important de leur signaler que les jus végétaux augmentent le risque de développer des allergies s’ils sont donnés à des enfants avec antécédents familiaux d’allergie, surtout si le jus choisi est issu de fruits à coques (noix, noisettes, châtaignes…) qui sont très allergéniques. Il existe également des allergies croisées avec le lait de chèvre.

Pour prévenir le risque d’allergie en l’absence d’allaitement maternel, seul un lait HA (hypoallergénique) à base de protéines de lait de vache partiellement hydrolysées, ayant fait la preuve clinique de son efficacité, est indiqué au moins jusqu’à l’âge de 4-6 mois (2,3).

Pour prendre en charge une allergie avérée aux protéines de lait de vache, il est essentiel de bien faire la distinction entre les jus végétaux ou d’autres laits de mammifères et les préparations infantiles à base de protéines intactes de soja, Aliments Diététiques Destinés à des Fins Médicales Spéciales à base d’hydrolysats poussés de protéines de lait de vache, ou d’hydrolysats partiels de protéines végétales (riz par exemple)). La composition de ces préparations est conforme à la réglementation européenne. Ils sont donc sans danger et adaptés aux besoins de l’enfant.

Ce qu’il faut retenir :

Les substituts à base de végétaux ou à base de lait de mammifères sont totalement inadaptés aux besoins nutritionnels des nourrissons et formellement contre indiqués avant l’âge d’un an. Le rôle des médecins est de lutter contre toute influence favorable à ces nouvelles habitudes alimentaires qui mettent en danger la santé des enfants. Il est important d’anticiper tout changement d’allaitement et d’en comprendre les motivations, car les risques sont d’autant plus importants et moins réversibles que la consommation de ces produits débute précocement et se poursuit de façon prolongée.


*Chef du service de pédiatrie de l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne, Vice-président de la Commission nationale de la Naissance et de la Santé de l'Enfant au Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé.

Pour aller plus loin :
1) Aliment de l’Enfance 0-3 ans. Marion Pouchain & Camille Journet.

http://www.secteurfrancaisdesalimentsdelenfance.com/wpcontent/uploads/2013/07/Maq08b_RVblog_SFAE.pdf

2) Von Berg A., Allergies in high-risk schoolchildren after early intervention with cow’s milk protein hydrolysates: 10-year results from the German Infant Nutritional Intervention (GINI) study, JACI, 2013

3) Chouraqui et al., Alimentation des premiers mois de vie et prévention de l’allergie, Arch Ped, 2008


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