Stimulation sensorielle et marketing : Quelles stratégies gagnant-gagnant pour le plaisir et la santé ?

Dans la restauration rapide et dans de nombreux autres cas, les consommateurs peuvent choisir entre différentes tailles de portion d’un repas, d’une boisson ou d’un dessert. Ces trente dernières années, la disponibilité de portions alimentaires toujours plus larges a été l’un des facteurs contribuant à la diffusion massive du surpoids et de l’obésité. Les solutions qui consistent à souligner les dangers de la surconsommation pour la santé ont pour conséquences de réduire les attentes de plaisir des consommateurs, et sont en général contraires aux intérêts économiques des industriels. Cependant il est toutefois possible d’encourager les consommateurs à choisir de plus petites portions, sans « coût hédonique » (diminution des attentes de plaisir) ni perte économique.

L'attrait sensoriel des aliments

Dans la recherche en comportement du consommateur, la surconsommation alimentaire est parfois expliquée par l’attrait sensoriel des aliments (leur apparence, leur goût, leur odeur), qui peut inconsciemment augmenter l’appétit. Mais en réalité, les recherches en physiologie de l’alimentation montrent que le plaisir sensoriel diminue avec la quantité (un phénomène physiologique universel appelé « satiété sensorielle spécifique »), et que les petites portions sont en fait les plus plaisantes, d’un point de vue sensoriel (Rolls et al. 1981). Il s’agit donc d’aider les consommateurs à correctement anticiper le plaisir sensoriel des petites portions, lorsqu’ils choisissent une taille de portion.

Au moyen d’études expérimentales auprès d’adultes et d’enfants français et américains, nous démontrons que l’imagerie sensorielle (inciter les consommateurs à imaginer l’odeur, le goût, la texture des aliments hédoniques) les incite à préférer de plus petites portions, tout en augmentant la plaisir anticipé des petites portions, mais également la disposition à payer pour les petites portions. En effet, l’imagerie sensorielle permet de simuler mentalement le plaisir des sens de l’alimentation, ce qui aide les consommateurs à réaliser que de trop grandes quantités diminuent le plaisir et que les petites portions sont optimales.

D’un point de vue pratique, une de nos études démontre qu’une pratique de l’imagerie sensorielle - courte, simple et ludique - incite des enfants de cinq ans à choisir de plus petites portions. Cette méthode peut être appliquée dans les écoles, les restaurants scolaires ou à la maison. Une autre étude a été menée dans un restaurant expérimental. Elle démontre qu’en fournissant des détails sensoriels riches et vivides sur les aliments dans les menus, les consommateurs choisissent de plus petites portions et savourent davantage leur repas, ce qui augmente leur satisfaction et leur disposition à payer.

Conclusion

Le plaisir sensoriel peut devenir l’allié d’une alimentation plus saine et se révéler aussi efficace que les exhortations sanitaires mais sans risque de nuire au plaisir de manger. C’est un triple gain pour la santé des consommateurs, le plaisir des consommateurs, et l’intérêt économique des producteurs et restaurateurs.

Pour aller plus loin :
(Yann Cornil, University of British Columbia et Pierre Chandon, INSEAD. Conférence Benjamin Delessert 2016, Mangeurs sous influences ? Sens et cerveau en dialogue)

Chandon, Pierre and Brian Wansink (2012), "Does food marketing need to make us Fat? A review and solutions," Nutrition Reviews, 70 (10), 571-93.

Nestle, Marion (2013), Food politics: How the food industry influences nutrition and health, Vol. 3: Univ of California Press.

Rolls, Barbara J., Edmund T. Rolls, Edward A. Rowe, and Kevin Sweeney (1981), "Sensory specific satiety in man," Physiology and Behavior, 27 (1), 137-42.


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