Surpoids, obésité : le marketing alimentaire à destination des enfants responsable

Pour enrayer la progression du surpoids et de l’obésité, responsables de la survenue de nombreuses maladies chroniques chez l'adulte, une expertise collective réalisée par L'INSERM recommande de restreindre les actions de marketing alimentaire à destination des enfants et de reconsidérer entièrement le dispositif des messages sanitaires sur les publicités.

Le rôle des facteurs nutritionnels (alimentation et activité physique) dans le développement du surpoids et de l’obésité et dans la survenue de nombreuses maladies chroniques telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’arthrose est à ce jour scientifiquement bien établi. Ces maladies constituent la première cause de mortalité à l’échelle de la planète et le nombre de patients concernés ne cesse d’augmenter.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’en 2014 plus de 1,9 milliard d’adultes étaient en surpoids, dont 600 millions d’obèses. En France environ un tiers des adultes sont en surpoids et 15% (7 millions) sont obèses. Au-delà des difficultés que rencontrent ces individus, le surpoids et l’obésité ont également un coût sociétal important. Dans le cas de la France, leur coût financier a été estimé à 4 milliards d’euros en 2008. Selon l’OMS, les projections effectuées prévoient qu’en 2030, 25 % des Français et 29 % des Françaises pourraient être obèses.

Pour faire face à cette hausse de l’obésité en France, l’État a mis en place dès 2001, une politique publique de santé nutritionnelle en lançant le Programme National Nutrition Santé (PNNS).En 2007, un décret de la loi de santé publique de 2004 impose que les publicités en faveur des produits alimentaires manufacturés et des boissons avec ajouts de sucres, sel, édulcorants de synthèse, doivent contenir une information à caractère sanitaire. Cette disposition s’applique quels que soient les médias (télévision, radio ou affichage publicitaire).

Ces messages sont à présent bien connus du public (5 fruits légumes par jour…). Cependant au fil du temps, des enquêtes montrent qu’ils attirent de moins en moins l’attention et que leur visibilité est inégale selon les supports. De plus, le mode de diffusion des messages engendre des problèmes de compréhension et ils sont parfois perçus comme une caution des produits présentés dans la publicité.

L’Inserm a été sollicité fin 2013 par Santé Publique France pour réaliser une expertise collective afin de de disposer d’un bilan des connaissances scientifiques et d’analyser l’impact de messages sanitaires diffusés par les médias de masse sur les cognitions, attitudes, intentions et comportements.

L'expertise « Agir sur les comportements nutritionnels » a donné lieu à des recommandations d'actions faites par un groupe d’experts indépendants.

Mettre en place des lois restreignant les actions de marketing alimentaire auxquelles sont exposés les enfants

Le marketing est reconnu comme ayant un impact sur les préférences nutritionnelles, notamment celles des enfants. Le groupe d’experts recommande de réduire l’exposition des enfants au marketing pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle et d’en limiter les effets en interdisant par exemple les publicités télévisées pour certains produits alimentaires durant les plages horaires visionnées par un nombre important d’enfants. Le groupe recommande également d’interdire le recours à des techniques dotées d’un pouvoir de persuasion particulièrement fort comme l’utilisation de porte-parole de marque (sportif, chanteur, etc.).

Le groupe d’experts propose la mise en place de mesures permettant de limiter les stratégies de déplacements des industriels d’un support de communication à un autre. En effet, alors que les restrictions ne visent qu’un petit nombre de médias, voire exclusivement la télévision, la loi laisse aux entreprises la possibilité d’étendre leur marketing à d’autres supports de communication, de plus en plus plébiscités par les enfants tels que les sites Internet, les réseaux sociaux ou les téléphones mobiles.

Enfin, les experts recommandent la création d’un observatoire indépendant, afin que les pratiques de marketing respectent les directives mises en place par la France.

Reconsidérer le dispositif des messages sanitaires sur les publicités

Les messages sanitaires peuvent avoir des effets contre-productifs. La présence d’un bandeau dans une publicité laisse penser à certaines personnes que le produit présenté est bon pour la santé. Les experts recommandent de dissocier les messages sanitaires et le contenu publicitaire. Plutôt qu’un bandeau, le groupe suggère par exemple de placer les messages sanitaires en plein écran en début et/ou en fin de publicité. Selon la littérature scientifique, la première et la dernière information perçues sont généralement plus facilement mémorisées à long terme.

Si le dispositif des messages sanitaires n’est pas modifié dans sa forme actuelle, le groupe d’experts propose alors d’étendre la mise en place du dispositif à d’autres supports de communication : vidéos sur le web, objets publicitaires, fond d’écran, applications de jeu sur mobile et tablettes en lien avec l’alimentation, fenêtres pop-up…

Concevoir des messages sanitaires qui pourront solliciter les différents niveaux d’attention


• Optimiser la voie des influences implicites (non-conscientes) et en faible attention, en améliorant la structure et en unifiant les messages pour permettre une bonne fluidité perceptive et conceptuelle.

• Maximiser la voie des influences explicites (conscientes), le groupe d’experts recommande l’utilisation de messages nutritionnels simples, compréhensibles, spécifiques et faciles à mettre en application. Ces messages doivent également être personnalisés et émis par une source crédible (le gouvernement, les professionnels de santé ou la recherche académique).

Pré-tester de façon systématique toutes les stratégies de communication envisagées en contexte naturel et avant le lancement

Les experts insistent sur le fait de pré-tester toutes les stratégies de communication envisagées en contexte naturel et avant le lancement. C’est-à-dire de mesurer l’impact sur les comportements, et pas seulement sur l’attitude vis-à-vis de la mesure de prévention, les croyances, les intentions ou la mémorisation, ceci dans la durée, par expérimentation en milieu contrôlé puis en contexte naturel (par exemple en entreprises, restaurants, supermarchés, villes...).

Ces évaluations devront être conçues, réalisées et analysées de façon transparente par des équipes compétentes et indépendantes de l’industrie agroalimentaire.

Les auteurs de cette expertise ont également formulé 4 recommandations de recherche :

• Mieux connaître les populations cibles, ses motivations, ses attentes ;
• Poursuivre les recherches sur les effets possibles des messages sanitaires inclus dans les publicités (dispositif actuel) comme les effets implicites ;
• Mieux comprendre les mécanismes cognitifs et comportementaux en lien avec des messages nutritionnels ;
• Mieux analyser les stratégies de « marketing intégré » des industries.

http://presse.inserm.fr/agir-sur-les-comportements-nutritionnels/27940/

Pour aller plus loin :


Autres articles

  • Boissons énergisantes : face aux risques avérés, une réglementation s’impose

    Lire l'article

  • Boissons énergisantes: l'ANSES identifie les risques associés aux boissons énergisantes

    Lire l'article

  • L’ostéoporose, un mal qui frappe au cœur des os

    Lire l'article

  • Remplacer le soda par du lait, du café ou du thé diminuerait le risque d’accident vasculaire cérébral

    Lire l'article

  • Le fromage jouerait un rôle important dans le fameux french paradox

    Lire l'article

  • Avis scientifique sur l'apport maximal tolérable en vitamine D

    Lire l'article