Peur de grossir, peur de maigrir et troubles alimentaires

Une véritable épidémie de troubles alimentaires s’est propagée en quelques décennies sur l’ensemble des pays occidentaux. On compte aujourd’hui à peu près 1% d’anorexiques dites « mentales », 5% de boulimiques et compulsives sévères, 15% d’obèses dont la moitié présente des troubles du comportement alimentaire (TCA), 20 à 30% de sujets en surpoids et 50% de sujets qui souhaiteraient maigrir.

Clairement, cette épidémie est d’abord liée à la peur de grossir et au véritable culte de la minceur propre à nos sociétés occidentales. Dans la mouvance du courant féministe, le rejet des formes rondes impose aux femmes une minceur généralement peu compatible avec leur physiologie (cycles menstruels, grossesse, graisse pelvienne dite de réserve). Dès lors, nombre de celles qui n’acceptent pas cette image se soumettent à toutes formes de régimes, des plus classiques aux plus folkloriques. Tous ces régimes ont en commun d’entraîner un contrôle alimentaire aboutissant à une restriction qui va à son tour déclencher des TCA. Notamment des boulimies vectrices de prises de poids importantes et conduisant à l’obésité, sauf quand elles s’accompagnent de stratégies de contrôle du poids : vomissements provoqués surtout, laxatifs à doses massives, jeûnes périodiques. La coexistence si fréquemment observée de restrictions et de vomissements entraîne à son tour de nombreux troubles physiques et psychologiques (fatigue, irritabilité, dépressivité, insomnie et plus encore obsession de la nourriture aboutissant à toutes formes d’addictions). Ces troubles expliquent la pérennité des symptômes lorsque le cycle est engagé. Il est donc essentiel de lutter contre ces facteurs auto-entretenus, mais aussi contre leurs causes sous-jacentes, essentiellement psychologiques.

Peur de grossir et conformité au modèle dominant

Au plan psychologique, on rencontre le plus souvent des jeunes filles ou des jeunes femmes exigeantes, perfectionnistes et intelligentes qui ne supportent pas leur non-conformité au modèle social dominant. Quelle que soit leur corpulence initiale, elles perçoivent négativement leurs seins, leur ventre et surtout leurs fesses. Leurs mères ont souvent contribué à cette image négative du corps féminin. Marquées par le courant féministe des années 60 et 70, elles ont imposé à leur fille, prolongement narcissique d’elle-même, un corps mince et diaphane, conforme à l’image « Top model » et stéréotypée qu’elle rêvait pour elle-même.

Mais la psychologie n’est pas seule en cause. La restriction liée à la peur de grossir entraîne des déficits et des carences liés aux régimes poursuivis : pauvres en hydrates de carbone, pauvres en protéines (en raison d’un végétarisme anti viande rouge si fréquent à l’adolescence). Ils n’apportent pas les substrats nécessaires à la synthèse d’un neuromédiateur essentiel, la sérotonine. Or celle-ci est précisément « satiétogène » et antidépressive.

La disparition des stratégies de contrôle du poids, en particulier des vomissements, associée au rétablissement d’apports réguliers en sucres lents (pommes de terre, pâtes, riz, blé) et en protéines animales, guérit ces troubles dans une majorité de cas.

Il me semble qu’il s’agit là d’un message essentiel dans une société en déroute qui change ses standards et ses recommandations alimentaires tous les 5 ans !

Ainsi la peur de grossir est au cœur des troubles alimentaires et sans stratégies de contrôle du poids, cette peur de grossir fait grossir ! Plus rares, touchant plus volontiers des femmes déjà rondes ou obèses, la peur de maigrir entretient elle aussi les TCA. Chez certaines femmes infécondes et désireuses d’un enfant, l’équivalent « grosseur – grossesse » semble s’imposer inconsciemment. Pour d’autres, la grossesse, réelle cette fois, permet de masquer les rondeurs et confère un statut respectable qu’elles ne voudront pas perdre après l’accouchement – dissimulant leur disgrâce dans une adiposité à prédominance abdominale.

Peur d’être désirables

Enfin, et ce n’est pas rare, certaines femmes redoutent tout autant leur désir que la crainte d’être désirable et, si elles maigrissent, de ne pas pouvoir résister aux sollicitations masculines. « Grosses », elles se sentent protégées – à l’abri des regards masculins, à tort bien sûr. Pour autant, cette posture consistant à « n’être point désirable pour n’être point désirée » peut difficilement être remise en cause sans un abord psychothérapique.

(Par Bernard Waysfeld, médecin nutritionniste et psychiatre.)

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